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Réception de Jacques Mouriquand
Bernard Foray-Roux, Jacques Mouriquand
Discours par Bernard Foray-Roux
Mes chers collègues,
Après vous avoir demandé d'accueillir dans notre docte assemblée un dessinateur de bandes dessinées breton et un metteur en scène belge, il fallait quand même qu'un jour je vous présente un authentique drômois.
Bon, le mien est d'abord Auvergnat avant que le Roi Soleil et sa révocation de l'édit de Nantes ne fassent fuir nos Arvernes chez les Hélvètes. Ils y resteront 40 ans avant de revenir se réfugier
dans les montagnes de la Drôme. Pourquoi s'y sentaientils en sécurité ? Pour connaître la réponse, je vous conseille de lire le passionnant petit bouquin de Jacques intitulé Les montagnes dissidentes. Bref la famille investit la Gervanne (on retrouve d'ailleurs un Mouriquand employé municipal à Beaufort à l'époque de la Révolution Française).
Et pourtant Jacques est né, le 07 janvier 1952, à Lyon avant de suivre ses parents qui travaillaient à Grenoble. Son père Claude est professeur de médecine et sa mère Jacqueline, médecin également, est une pionnière reconnue dans la lutte contre les cancers féminins et leurs techniques de détection. Jacques suit un cursus scolaire tranquille et classique qui va le conduire jusqu'à Sciences-Po Grenoble. Les chiens font, parfois, des chats et notre jeune homme va se tourner vers le journalisme plutôt que vers la médecine.
À la suite d'un stage d'été sur Radio Monte-Carlo où il découvre l'interview et l'usage du magnétophone (et, accessoirement, il découvre aussi un certain Henry Fuoc) il entre, pour une dizaine d'années, au Dauphiné Libéré où il tient diverses rubriques mais surtout où il va approcher le monde de l'imprimerie ce qui restera une passion à travers toute sa carrière. Il collabore, aussi, au magazine Montagnes sur France 3 aux côtés du regretté et incontournable Pierre Ostian. Cette initiation à l'audiovisuel va le conduire à produire - sur France 3 toujours - sa propre émission nommée C'était ici dans laquelle il présente des documentaires régionaux basés sur des archives de l'INA. Un de ses reportages consacré aux Huguenots lui fait rencontrer les dirigeants de la Radio Suisse Romande qui lui proposent de piloter ses propres émissions. Ce sera Histoires Vivantes (exploitant des archives historiques sonores) et Géopolis consacrée à la géo-politique.
C'est lors de ces 15 années où il travaille en Suisse qu'il rencontre Janka Kaempfer, elle-même productrice d'émissions. Elle est polonaise d'origine, exilée en Suisse (et j'en profite pour
vous recommander la lecture d'Adieu Varsovie son ouvrage poignant qui raconte l'histoire de sa famille).
Jacques a un enfant Sarah. Quand on cherche sur internet on trouve deux Sarah Mouriquand : une championne d'équitation et une gérante de food truck eh bien... c'est la même qui, semble- t-il, connaît le même succès dans les deux domaines !
Entre temps, Jacques entre comme enseignant au Centre Français de Formation et de Perfectionnement du Journalisme puis au Centre Romand de Formation des Journalistes. Ce parcours pédagogique se traduit, notamment, par un livre dans la collection Que sais-je ? intitulé L'écriture journalistique paru en 1997 et qui en est à sa sixième édition, frôlant les 20 000 exemplaires (J'en profite pour dire que la lecture de l'ouvrage ferait le plus grand bien à nombre de journalistes et correspondants en activité). Fin de la parenthèse !
Jacques, installé en Drôme, est d'ailleurs contacté, un jour, par un voisin, patron d'un hebdomadaire local : Le Crestois pour organiser une formation dans son équipe. Notre ami Claude Bourde est malade, émacié, la tête enfouie dans son petit bonnet de laine bleue qu'il ne quittera plus. Il se sait condamné et confie les rênes de son cher journal à Jacques qui le pilotera pendant quatre ans.
Et puis, Jacques fait un mélange de toutes ses passions : l'histoire, les archives, l'interview et, bien sûr la Drôme et le Dauphiné. D'un petit reportage de circonstance va naître un projet lumineux et vite incontournable : Vidéos Val de Drôme qui fêtera bientôt son 160e reportage. Je n'en dis pas plus puisqu'il va nous proposer, tout à l'heure, de visionner un de ces précieux documents.
En ami fidèle et efficace, je me contenterai de vous dire qu'on peut toujours soutenir ce formidable travail d'archives en adhérant à Vidéos Val-de-Drôme.
Et puisque j'en suis à la promo, je me dois de dire un mot de Jacques l'écrivain. Car notre homme vient d'être pris d'une prolifique fièvre éditoriale.
En 2019, il a publié, Terre de foi et de sang ouvrage consacré à son cher territoire et aux gens qui l'habitent. Puis, en 2023, sont sortis, coup sur coup, trois livres. D'abord le très documenté Montagnes dissidentes que j'ai cité tout à l'heure et que personnellement, je sous-titrerais "du rôle de la topographie dans le développement des hérésies jusqu'à la Réforme". Vient ensuite la biographie de François-Jean Armorin, le journaliste crestois injustement méconnu. Et, enfin, issue de ce dernier ouvrage, une autre biographie sur un des pionniers du photojournalisme, le drômois Lucien Vogel. Tous ses ouvrages sont édités aux très engagées éditions Ampelos et ce n'est pas un hasard non plus.
Voilà donc un nouvel académicien qui nous sera précieux notamment dans la réalisation de nos annuaires et qui pourra nous ouvrir bien des dossiers et bien des portes. C'est ce que l'on nomme, Madame la Présidente, une "bonne recrue" et je vous demande, mes chers collègues, de lui faire un accueil enthousiaste parmi nous.
Réponse de Jacques Mouriquand
Je remercie l'Académie de m'accepter dans ses rangs. Bernard Foray-Roux a, au fond, montré qu'au long de ma vie j'ai été un passeur. Je l'ai été dans la presse écrite, à la radio, à la télévision. Il se trouve que je le suis devenu, largement par accident, en créant il y a huit ans Vidéos Val de Drôme qui, à notre propre surprise, a été un succès. Le projet était et demeure de sauvegarder la mémoire vivante du Val de Drôme, par recueil de témoignages. Certains portent sur le quotidien de paysans, d'artisans; d'autres portent sur des événements, particulièrement ceux de la dernière guerre puisque notre région a été particulièrement concernée. Au total, nous allons atteindre très prochainement les 160 documents vidéo mis en ligne. Ils ont suffisamment intéressé les Archives Départementales pour qu'elle sollicite de nous un dépôt auprès d'elles de cet ensemble, en sorte que dans des décennies, ces témoignages seront toujours accessibles. Ce n'est certes pas l'Histoire, c'est le vécu de l'Histoire. Nous n'avons à aucun moment prétendu être historiens, mais l'Histoire a de la chair. Et c'est cela que montrent nos travaux. Nous sommes heureux de constater le nombre de fois où nous sommes sollicités, tel ou tel nous signalant un voisin, un proche qui mériterait d'être filmé. C'est toute la dimension populaire de l'Histoire, le sentiment même chez les plus humbles d'avoir vécu quelque chose qui doit être conservé.
Nous constatons aussi que nous sommes appelés de façon croissante pour participer à des projections publiques qui contribuent à la vie d'associations locales. Et ceci, aussi, participe du mouvement que je viens de signaler d'appropriation de l'Histoire par tous. Nous assumons que nos documents ne soient pas parfaits mais si nous n'avons atteint que l'objectif d'une mobilisation de beaucoup autour de l'Histoire, nous en sommes satisfaits.
Merci de votre accueil