Agenda
Réception d'Astrig Siranossian
Annie Friche, Astrig Siranossian
Discours par Annie Friche
J'ai le plaisir de vous présenter la violoncelliste Astrig Siranossian qui a accepté d'emblée de faire partie de notre académie. Les surnoms des journalistes ne manquent pas pour la qualifier : la "petite étoile", sans doute à cause de son prénom Asrig avec un G qui rappelle Astrée, la "fille-étoile", la "petite princesse", car elle a le charme de l'Orient et revendique ses origines arméniennes. Je vous épargnerai les longues listes des salles prestigieuses où elle a joué et les noms de ses partenaires célèbres, les titres des œuvres qu'elle a enregistrées, en particulier un hommage à Nadia Boulanger intitulée Dear Mademoiselle… Elle sort le 14 octobre un nouveau disque Duo Solo, avec des morceaux de Bach, Ligeti, Kodaly mais aussi des mélodies arméniennes, qu'elle chante en s'accompagnant au violoncelle car elle a une très belle voix.
Pour ma part, je m'intéresserai plutôt à Astrig la romanaise ou presque ! On lui pardonnera d'être née accidentellement à Lyon le 19 décembre 1988, car elle a passé toute son enfance à Romans. Tous les Romanais, et j'en fais partie puisque je suis née à Romans, connaissent la famille Siranossian, en particulier Alexandre le père. Il a succédé en 1968 à Charles Mayeux, (ancien violoniste des concerts Colonne, membre-fondateur de l'Académie en 1957), à la direction du Conservatoire de Romans, alors dans le bas de la ville, tout en étant chef d'orchestre et directeur de la Société des concerts, devenue plus tard l'Orchestre du pays de Romans. Il s'est attaché à programmer des musiciens oubliés ou peu connus, comme Gaston Junillon, compositeur romanais, reçu en 1964 à l'Académie. Sa maman Marie, libano-arménienne, a un commerce de vins/boissons en gros à Romans. Astrig est la sœur cadette de la violoniste Chouchane, qui vit en Suisse, et que pour des raisons de calendrier, nous recevrons en janvier. Il était en effet bien difficile de choisir entre les deux …
Je ne vais pas détailler la carrière d'Astrig, ses diplômes et les nombreux prix qu'elle a reçus. Elle a un site très bien documenté que vous pouvez consulter ! Elle joue d'abord du violon, tout bébé, pour imiter sa sœur. Elle commence le violoncelle à l'âge de quatre ans, car elle ne voulait pas (ou ne pouvait pas, pour des problèmes de cervicales) jouer debout comme sa sœur violoniste et voulait s'asseoir. Une petite fille qui sait ce qu'elle veut. Son premier concert a lieu à la salle des Cordeliers en octobre 1994, elle a cinq ans… Puis tout s'enchaîne. Aujourd'hui, elle joue avec les plus grands, sur les plus grandes scènes du monde. Elle revient tout juste du festival de musique de chambre de Jérusalem, cher à la famille Barenboim. Hier soir, elle jouait à Francfort. Elle va partir pour Bruxelles où elle jouera pour le Liban en duo avec le pianiste Abdel Rahman El Bacha … Vous l'avez compris, chez les Siranossian, on a la musique dans le sang ! Et aussi le respect et le souci de l'autre, le goût de la transmission et de la solidarité : Astrig crée en 2019 la mission "Spidak-Sevane" (Spidak second prénom d'Astrig= Blanche) qui au Liban et en Arménie vient en aide aux enfants à travers la musique, par l'envoi de matériel, le financement de cours sur place …
Mais Astrig n'a pas oublié Romans et son enfance. Elle a créé en 2015 un festival, les Musicades, qui allie musique de haut niveau, théâtre, philosophie et gastronomie. Cette année, il se déroulait dans les Jardins du musée de la chaussure à Romans, un lieu emblématique, du 18 au 21 août, pour la première fois sur quatre jours.
Ce fut pour moi une véritable révélation que cette rencontre avec le monde d'Astrig, une jeune femme bien de son époque. D'abord l'accueil par tous les bénévoles qu'elle a su fédérer et par la communauté arménienne au grand complet, qui "couve" les deux sœurs. Un groupe de jeunes artistes, amis d'Astrig, se plient avec le sourire à ses quatre volontés, dont certains aux origines drômoises- je pense à Fabrice Perez, hautboïste, que nous recevrons plus tard dans notre académie-, Nathanaël Gouin qui fait les arrangements, Alexandre Risso et d'autres. Astrig dégage une énergie contagieuse et donne tout à son public, souvent très jeune. Elle a su organiser une proximité avec les spectateurs, avec l'après-concert à La Charrette, restaurant au pied de Jacquemart bien connu à Romans, tenu par la famille Vinson. Et surtout un concept nouveau qui mélange les genres, tout comme notre académie réunit les lettres, les sciences et les arts et surtout qui crée des spectacles uniques, montés pour la circonstance et qui ne seront pas repris ailleurs. Véritable performance, car le temps manque toujours, ce qui engendre quelques imperfections mais aussi quelques moments magiques où "le temps suspend son vol", comme ce concert du jeudi soir dans une salle en surchauffe, car l'orage et l'extrême chaleur avaient bouleversé tous les plans, avec l'alliance de la musique des Quatre Saisons de Vivaldi et de Piazolla, entrecoupés par la diction de poèmes rarement entendus ailleurs, et un sublime solo de violon de Chouchane. Astrig arrive même à canaliser le philosophe Michel Onfray, qui oublie de polémiquer et du coup révèle pleinement son talent de professeur et de philosophe. Attendrissant aussi le pianiste très médiatique Jean-François Zygel, qui perd de sa superbe devant son ancien professeur de piano à Lyon quand il avait six ans : je parle du père, Alexandre Siranossian assis au premier rang, impassible, qui bat la mesure sur sa cuisse et fronce le sourcil à la moindre fausse note, mais qui ne quitte pas ses filles des yeux.
Astrig a aussi participé cette année à Saint-Jean en Royans au Festival des Chapelles Royans Vercors dirigé par le hautboïste Fabrice Perez, au festival Saoû chante Mozart, à l'invitation de notre confrère Philippe Bernold pour un concert au château d'Eurre, sans oublier la randonnée musicale dans la forêt de Saoû avec la participation de notre trésorier Bernard Foray-Roux …
Cette artiste brillante accessible, punchy, passionnée, enthousiaste, décoince le monde de la musique classique un peu poussiéreux, et surtout son cœur -et ses achats vestimentaires et autres- restent drômois. Il serait bien dommage que nous ne l'honorerions pas et que nous n'essayiions pas de la retenir un peu dans la Drôme, car elle fait partie des étoiles montantes de la nouvelle génération, et elle le mérite bien.
Je vous demande donc de l'accueillir chaleureusement dans la section "arts" de notre académie et de l'applaudir.