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Agenda

Réception

le 31 mai 2013

Réception d'Anne Sophie Pic

Jean-Benoit Cotton, Anne Sophie Pic

Le 31 mai 2013 à Valence, l'Académie drômoise accueillait un nouveau membre, Anne Sophie Pic.

Discours de réception de Jean-Benoit Cotton.

Ma chère Anne Sophie,

À côté du grand plaisir et de l'honneur que j'éprouve à parrainer ton entrée à l'Académie Drômoise, c'est beaucoup d'émotion aussi, car je t'ai connue à l'âge de 15 jours. Et en revoyant ton extraordinaire parcours, le pédiatre retrouve le monde magique de l'enfance, monde de tous les possibles où le rêve est réalité.

Devant la richesse de ta jeune vie, j'ai dû classer et j'ai choisi trois angles pour te présenter :
- ton histoire familiale qui conforte la génétique
- ton parcours exceptionnel
- et tu me permettras d'évoquer nos relations personnelles.

Sophie PIC, ton arrière-arrière grand-mère dans son café du Pin à la fin du 19e siècle (1891) inaugure l'histoire, son petit café devenant vite une auberge renommée où les gastronomes se pressent pour savourer son authentique cuisine de terroir.

Vers 1920, André PIC, ton grand-père, excellent cuisinier lui succède et les premières automobiles lui amènent une clientèle régionale : boudin richelieu, poularde en vessie et écrevisses du Douzon. La rivière voisine lui assure rapidement une réputation nationale et le guide Michelin de 1934 consacre le restaurant PIC, lui décernant sa 3ème étoile… Deux ans plus tard, le restaurant est transféré ici même, au bord de la célèbre nationale 7.

Son fils, Jacques PIC, ton père, accompagné de ta mère, a amené le restaurant à sa pleine maturité ; ton père, présent parmi nous, particulièrement aujourd'hui, à travers l'immense affection que tu lui voues, et ancien membre de l'Académie Drômoise.

Fidèle à une cuisine du terroir, il saura créer une palette audacieuse d'accords de saveurs et sa 3ème étoile en 1973 confortera la réputation internationale de l'établissement.

J'en reviens à toi Anne Sophie, à ton parcours exceptionnel.

Après un bac scientifique mettant un terme à ta scolarité à Loubet, crise d'adolescence peut-être, tu veux choisir ta voie et t'éloignes de l'univers de la gastronomie, tu rentres à l'Institut Supérieur de Gestion dont tu sors diplômée mention bien en 1992.

Tu découvres le monde de l'entreprise : Paris, USA, Tokyo… en stage pour des grandes maisons de luxe : Cartier, Dior, Moët et Chandon, où ton maître de stage te fait prendre conscience que "tu es à la tête d'une marque".

La même école, les mêmes voyages, ta rencontre inscrite dans votre destinée avec David Sinapian, lui-aussi originaire de Valence.

Virage à 180°, tu reviens à ta vraie passion, la cuisine et ton père Jacques avec enthousiasme t'ouvre toutes les portes en te précisant, je cite "l'expérience tu l'acquerras seule ; je ne peux pas te la transmettre"… Phrase tristement prémonitoire puisque quelques mois après ton retour, son décès brutal, en septembre 1992, va bousculer les projets de chacun.

L'appui solide de David, l'affection efficace de ta mère Suzanne, ton talent, ton courage et ta ténacité, sous des dehors faussement fragiles, ont permis de t'imposer dans ce monde "machiste" tandis que David avec brio prenait en main la gestion de l'entreprise PIC… Votre duo, d'une exemplaire complémentarité, conduisant irrémédiablement au succès.

Quelques extraits de ton riche palmarès avec les dates d'évènements incontournables :
- en 2007, tu reconquiers une 3ème étoile, première femme depuis 50 ans à avoir décroché un tel titre,
- en 2009, chef de cuisine du Beau Rivage Palace à Lausanne, tu décroches rapidement 2 étoiles supplémentaires.
- Consécration en 2010 alors que tu es désignée par 8000 de tes pairs meilleur chef cuisinier femme du monde par la prestigieuse revue britannique Restaurant.
- 4 étoiles au guide Bottin Gourmand, 4 toques au guide Gault Millau, 4 étoiles au guide Champerard... Une unanimité devant ton talent dans une interview de l'Express en juillet 2011, on parle "de rêves savoureux, d'une virtuose du piano".

Tu es chevalier de l'Ordre National du Mérite, chevalier du Mérite Agricole, chevalier des Arts et des Lettres, chevalier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur en 2011.

Il te fallait une vitrine parisienne : La Dame de Pic créée en 2012, rapidement récompensée par encore une étoile supplémentaire… Te voilà première chef à la tête de 6 étoiles, seule femme cuisinière au monde pouvant afficher un tel palmarès.

A la Dame de Pic, une idée originale puisque l'on choisit son menu en humant trois senteurs : vanille ambrée, iode et fleurs ou sous-bois épicés. Joignant olfactif et gustatif, une touche encore à ta palette artistique que l'on peut apprécier aussi dans ce décor où tu nous reçois, signé par un disciple de Philippe Starck.

Tu apportes partout ta note féminine, avec pour secret la volonté de provoquer l'émotion que tu considères comme l'essence même du métier de cuisinier, métier de réflexion aussi où il faut "rêver les plats".

De tes nombreux titres et distinctions, retenir aussi que tu es membre de la chaîne des Relais et Châteaux depuis 1973 et membre de l'association Traditions et Qualités des grandes tables du monde, dont le vice-président n'est autre que David SINAPIAN.

Pour compléter tes entreprises : l'école de cuisine SCOOK créée en mars 2008, immense succès à partir duquel tu as fait 5 ouvrages : recettes pour tous, recettes pour recevoir, recettes pour les enfants… Le Bistrot 7, connu par tous et plus récemment l'Epicerie en novembre 2011… Ajoutons les vignes Pic et Chapoutier à Saint-Péray.

Sans oublier ta fondation "Donnons du goût à l'enfance", pour laquelle tu as une affection particulière.

Hommage à ta renommée, tu as enchanté le palais de Tokyo (500 couverts) pour le repas de gala de Chanel ; et ta palme au festival de Cannes pour la grande réception (650 couverts), les félicitations personnelles de Steven Spielberg.

Et il se murmure à Hollywood qu'en évoquant la France, on situe Paris… à 600 km au nord de Valence.

Vos 150 diverses entreprises (car j'associe bien évidemment David), c'est 200 salariés dont 150 en France, ce qui par les temps que nous vivons, n'est pas le moindre de votre réussite.

Puis-je trahir ce qui n'est plus un secret, puisque j'ai pu le lire dans un de tes interviews, le projet de grandir encore… avec une extension vers le Japon qui t'est cher. Nous sommes rassurés cependant par tes attaches valentinoises "ma base reste le restaurant de mes père et grand-père à Valence car j'ai envers eux un devoir de mémoire".

Je voudrai ajouter quelques anecdotes, touchant l'histoire amicale qui nous lie, qui a commencé avec tes parents.

Les fêtes familiales d'envergure étaient illuminées par le repas chez Jacques PIC. Lors d'un somptueux déjeuner, au dessert, je demande à ta mère l'autorisation d'aller chercher mon troisième fils, Nicolas, qui terminait un tournoi de tennis. Le serveur s'approche avec le charriot des desserts. Nicolas demande ce qu'il pouvait prendre et le serveur lui répond "tout ce que tu veux". Je reverrai toujours le regard presque incrédule de Nicolas "est-ce qu'il se rend compte de ce qu'il me dit ?" ceci sous le regard souriant de ta mère, sourire qui est contagieux sur les tables alentour.

Tu étais donc en classe avec François, mon fils aîné, et les anniversaires d'Anne PIC, qui n'étaient pas encore Anne-Sophie, étaient très convoités, même par le second, Laurent, très gourmand, et qui réussissait toujours à s'infiltrer. On les retrouvait en fin d'après-midi avec un regard illuminé.

Souvenir encore, les fêtes déguisées que nous organisions à Val Bois, avec une cinquantaine d'enfants de l'annexe, rue Marguerite, et prémonitoire là encore : je me souviens de ton déguisement en fée avec une baguette magique pleine d'étoiles. Nous ne pensions pas alors assister à la naissance d'une nouvelle galaxie.

Je ne parle pas de mon rôle de pédiatre auprès de toi, seulement sans trahir le moindre secret professionnel, dire qu'il a consisté essentiellement à rassurer la gentille inquiétude de ta mère, là aussi il y a peut être une vague recherche à faire sur le plan génétique.

Dans ta réussite en effet, ta réussite la plus chère est probablement, malgré tout ces succès, Nathan, merveilleux enfant, très affectueusement entouré, sans oublier la présence de sa grand-mère maternelle et de ses grands-parents paternels. J'avoue être impressionné par ton don d'ubiquité : je regrette à nouveau l'absence de notre généticienne, Gwenaêl, avec un projet de recherche sur le clonage d'Anne Sophie…

Je voudrais, pour terminer, évoquer ta personnalité : ta minceur, ta discrétion, contrastant avec la plupart des grands chefs, pourraient faire croire à tort, je l'ai déjà dit, à une fragilité ; mais cela masque une volonté de fer, une exemplaire rigueur et surmontant ta timidité, lors de tes interviews écrits ou télévisés, un charisme exceptionnel empreint de gentillesse et de simplicité… Une signature de la Maison Pic.

Ma chère Anne-Sophie, bienvenue parmi nous.

Diaporama

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