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Adrien Bertrand (1888-1917), journaliste et écrivain

Fiche de Jean Laget

Croix de guerre avec étoile d'argent. Prix Goncourt 1914 (attribué en 1916)

Adrien Bertrand est né à Nyons le 4 août 1888 de Louis, Samuel, Ernest Bertrand, pasteur à Valleraugue (Gard) et d'Anne, Henriette Vigne, cette dernière descendant d'une vieille famille huguenote nyonsaise. C'est dans la propriété familiale des Ruines où sa mère se trouvait en vacance, que le futur écrivain a vu le jour.

Son père, docteur en théologie, s'étant installé à Paris pour travailler à une nouvelle traduction de la Bible, dite version synodale, sa famille l'a suivi. Ainsi le jeune Adrien a pu faire de très bonnes études dans différents établissements de la capitale : école alsacienne, Lycée Louis-le-Grand où il a eu d'illustres maîtres tels Émile Male ou Joseph Bédier. Il a même été admis à l'École normale supérieure mais il l'a quittée pour la Faculté de Droit. En 1908, à vingt ans, il se lance dans la carrière littéraire. Sous le parrainage de Catulle Mendès, poète parnassien, il édite avec quelques amis une revue littéraire Les chimères, 10 numéros sont publiés entre février 1908 et mars 1909, la parution s'arrêtant avec son départ pour le service militaire.

Le 3 octobre 1911, Adrien Bertrand épouse, en mairie d'Arcachon, Gabrielle Robert, mariage éphémère, Gabrielle décédant peu après. Á Paris, il devient alors journaliste et collabore à différents journaux Le siècle, Gil Blas, ainsi qu'à L'homme libre de Clémenceau pour lequel il rédige la rubrique parlementaire. Sa profession l'amène à voyager en Europe Centrale où il dénonce les visées pangermanistes de l'Allemagne de Guillaume II, aux Etats-Unis où il a eu l'occasion d'interviewer l'ancien président Théodore Roosevelt. A l'extrême fin de la Belle époque, le jeune journaliste est aussi bien introduit dans le monde parisien des Lettres où il semble promis à un brillant avenir. Ses idées sont alors imprégnées de socialisme et de pacifisme.

Le 2 août 1914, c'est la guerre. Emporté par l'élan général de patriotisme qui gagne la nation, Adrien Bertrand rejoint à Lyon son régiment, le 2e dragon à cheval, son frère cadet, Georges Bertrand-Vigne, est lui incorporé dans un bataillon de chasseurs alpins. Dès le 20, le maréchal des logis Bertrand se trouve au cœur que la bataille de Lorraine, mal engagée côté français, et il assiste à la pitoyable retraite des troupes après l'échec de Morhange. Début septembre, la situation est rétablie et les ennemis repoussés. Le 7, à la tête de quelques cavaliers, Bertrand effectue "une très audacieuse et très fructueuse reconnaissance" qui lui vaut la croix de guerre ainsi qu'une promotion temporaire au grade de sous-lieutenant. Mais en octobre, son état de santé se dégrade, il doit être admis à l'hôpital de Lunéville puis évacué vers l'arrière.

Pour Adrien Bertrand, la guerre aura duré moins de trois mois car son mal se révèle incurable et le conduira à la mort au bout de trois longues années de souffrances qu'il a supportées avec courage. Le 11 novembre 1911, à Paris, il épouse en secondes noces la comédienne et chanteuse Suzanne Périn, Georges Clémenceau figurant parmi les témoins de ce mariage. Sachant ses jours comptés, assisté de son épouse, ses parents et amis, il écrit beaucoup et dans des genres très divers, récit de guerre, poésies, pièces de théâtre, romans.

En novembre 1916, L'appel du sol est publié chez Calman-Levy. Ce roman est un témoignage d'une grande fidélité sur les débuts de la guerre au sein d'un bataillon de chasseurs alpins alors que les armées ne se sont pas encore enterrées et que les soldats combattent en pantalons rouges. C'est aussi la belle leçon de patriotisme donnée par ces hommes et leurs chefs qui, sans se poser de questions, font le sacrifice de leur vie pour la patrie. "Mais la France continue !" murmure en agonisant Vaissette, le héros du roman.

L'auteur a dédié l'ouvrage à son frère, le capitaine Georges Bertrand-Vigne "en souvenir, mon petit frère, de ce soir tragique de l'été 1914, où nous nous sommes rencontrés sous la mitraille". Il vaut à son auteur d'être lauréat du prix Goncourt 1914, décerné seulement du fait de la guerre le 15 décembre 1916 (prix attribué par 9 voix contre une à Sous Verdun de Maurice Genevoix). Le même jour est également décerné le prix Goncourt 1916 à Henri Barbusse pour Le feu. Plusieurs éditions de l'ouvrage se succèdent apportant quelques ressources pécuniaires au jeune couple jusqu'alors sans grands moyens. En 1917, quelques jours avant sa mort, paraît L'orage sur le jardin de Candide, roman philosophique rédigé à la manière de Voltaire qu'Adrien Bertrand admire beaucoup. Il y dénonce la guerre en quatre courtes histoires où interviennent des personnages réels ou fictifs : Achille, le préfet romain Mucius, Don Quichotte, Mr Pickwick, le Dr Faust, l'abbé Coignet et le sous-lieutenant Vaissette, son héros de l'Appel du sol, selon lequel "la guerre est une longue misère même quand c'est un devoir".

Le 18 novembre 1917, à vingt-neuf ans, Adrien Bertrand décède à Grasse (A.M.). Sa dépouille repose désormais dans le tombeau familial du cimetière de Nyons avec l'épitaphe suivante :

"…Puisque le vieux Nocher attend mon arrivée
Mon œuvre restera, je sais, inachevée,
Tombant des espaliers de l'art et de ses murs,
Ainsi que fruits cueillis devant que d'être mûrs
Qu'importe si, vers l'heure où tremblent les chandelles
Tu la relis, sentant frémir ses humbles ailes,
Et si par les beaux soirs, tu retrouves vivant
Le rythme de mes vers dans les souffles du vent !
" *

* Extrait de la préface du Jardin de Priape, dédié à son frère Georges Bertrand-Vigne

En 1957, le nom d'Adrien Bertrand a été donné à une rue de Nyons qui longe la propriété familiale des Vigne.

Le Prix Adrien Bertrand de la poésie, communément appelé aujourd'hui Goncourt de la poésie, a été créé en 1985 grâce à un legs fait par sa veuve désireuse de rappeler le souvenir de son époux. Il est destiné à récompenser un auteur pour l'ensemble de son œuvre poétique. Claude Roy, Philippe Jacottet entre autres, l'ont reçu.

Bibliographie

  • Les soirs ardents, recueil de poésies dédiées à Catulle Mendès, Sansot et Cie, 1908.
  • Catulle Mendés, étude biographique, Sansot et Cie, 1908.
  • Eugène Brieux, étude biographique, Sansot et Cie, 1910.
  • La victoire de Lorraine, carnet de route d'un officier de dragons, Berger-Levrault, 1915, 80 p..
  • Le jardin de Priape, Dorbon aîné, 1915.
  • La Première Bérénice, a-propos en vers joué le 27 décembre 1915 au Théâtre Français.
  • L'appel du sol, roman, Calman-Lévy, novembre 1916, 304 p..
    Traductions étrangères : espagnole, La llamada del suelo (1918) ; anglaise, The call of the soil (1919) ; italienne, Il richiamo della terra (1934).
  • L'appel du sol, réédition, preface d'Hervé Bazin, Curandera, 1986, 230 p..
  • L'orage sur le jardin de Candide, roman philosophique, Calman-lévy, octobre 1917.
  • Le verger de Cypris, recueil de poésies, Dorbon aîné, 1917.
  • L'alouette, pièce en 5 actes en vers (inédite).

Illustrations

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Adrien Bertrand jeune